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Destination particulière (DP) : « circonstances exceptionnelles » non retenues pour une autorisation rétroactive

Transport - Douane
29/07/2020
Les « circonstances exceptionnelles » du § 2 de l’article 172 du CDU, AD, permettant une autorisation rétroactive de destination particulière (DP), ne peuvent pas être invoquées par un importateur s’agissant de la fin anticipée de la validité du RTC en conséquence d’une modification de la nomenclature combinée, s’agissant de l’absence de réaction de la Douane devant des importations portant un code erroné, ou s’agissant du fait que la marchandise a été utilisée à une fin exemptée de droit antidumping : en effet, selon un arrêt du 9 juillet 2020 de la CJUE, le manquement de l’opérateur à ses obligations issues du CDU et des actes en découlant ne peut notamment pas justifier un tel traitement favorable de celui-ci.
Pour mémoire, l’article 172 du règlement délégué 2015/2446 – l’acte délégué du Code des douanes de l’Union (CDU, AD) – permet, lorsque la Douane accorde une autorisation avec effet rétroactif, que l’autorisation prenne effet au plus tôt à la date d’acceptation de la demande (§ 1). De plus, « dans des circonstances exceptionnelles », la Douane peut « permettre qu’une autorisation avec effet rétroactif prenne effet au plus tôt un an et, dans le cas des marchandises couvertes par l’annexe 71-02, trois mois avant la date d’acceptation de la demande » (§ 2). Dans l’affaire ici rapportée, les « circonstances exceptionnelles » du § 2 ne sont pas retenues et l’effet rétroactif de la demande de régime de destination particulière (DP) est donc écarté.
 
Présentation sommaire des faits
 
Un importateur de feuilles d’aluminium obtient de la Douane bulgare, le 28 septembre 2015, un renseignement tarifaire contraignant (RTC) les classant au code TARIC 7607 11 19 90. Ce code est supprimé le 1er juin 2016, rendant caduc le RTC, mais des importations sont effectuées après cette dernière date par cet importateur pendant près de dix mois, sans qu’il tienne compte de cette suppression et sans que la Douane bulgare s’oppose à des importations sous un code TARIC erroné. Les 13 et 27 juin 2017, l’opérateur effectue deux importations de feuilles d’aluminium originaires de Chine, déclarées sous le code TARIC 7607 11 19 93. Le 4 septembre 2017, la Douane bulgare rectifie ce code et retient le code TARIC 7607 11 19 30. Or ce dernier code est celui visé par un règlement antidumping et la Douane impose des droits de douane supplémentaires, la marchandise concernée étant désormais soumise à un droit antidumping de 30 %. Ledit règlement antidumping permettant une exemption des droits qu’il fixe dans l’hypothèse du régime de la destination particulière, l’opérateur fait une demande d’autorisation de ce régime particulier et soutient qu’il peut bénéficier d’une autorisation rétroactive (qui couvrirait alors ses opérations de juin 2016 redressées) en raison des « circonstances exceptionnelles » du § 2 de l’article 172 du CDU, AD, précité. Sur le fondement de ce § 2, sa demandé est écartée par la Douane ; une procédure judiciaire suit et l’affaire arrive devant la CJUE via une question préjudicielle.
 
Trois hypothèses de « circonstances exceptionnelles » écartées
 
Pour justifier sa demande d’autorisation rétroactive de DP en raison des « circonstances exceptionnelles » du § 2 de l’article 172 précité, l’importateur avance trois arguments : la fin anticipée de la validité du RTC en conséquence d’une modification de la nomenclature combinée ; l’absence de réaction de la Douane devant des importations portant un code erroné ; le fait que la marchandise a été utilisée à une fin exemptée du droit antidumping (conformément au règlement antidumping). Chacun des arguments est rejeté.
 
Fin anticipée de validité d’un RTC en suite d’une modification du classement tarifaire
 
Pour la CJUE, la modification du classement tarifaire des marchandises importées et la fin anticipée de validité des RTC qui en découle ne permettent pas à un importateur de s’en prévaloir pour se soustraire à l’obligation de fournir des informations exactes et complètes dans ses déclarations (obligation fixée par CDU, art. 15). Un opérateur économique ne peut donc invoquer la méconnaissance de cette modification pour soumettre des déclarations inexactes ou se soustraire à l’obligation de déclaration préalable.
 
Acceptation par la Douane de déclarations avec un code erroné
 
Pour la Cour, l’attitude de la Douane consistant à accepter des déclarations avec des codes erronés, pour justifier de l’absence de modification du code tarifaire déclaré, ne peut être avancée par l’opérateur : cette juridiction a déjà rejeté un tel argument, en soulignant qu’un opérateur diligent, ayant pris connaissance d’un règlement de classement publié au JOUE, ne saurait se borner à poursuivre l’importation de sa marchandise sous un code erroné au seul motif que ce classement a été accepté par la Douane (CJUE, 20 nov. 2008, aff. C-38/07, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading c/ Commission des Communautés européennes, point 64).
 
Utilisation de la marchandise à une fin exemptée de droit antidumping
 
Si la marchandise a été utilisée à une fin exemptée du droit antidumping (selon le règlement antidumping concerné), il faut aussi que soient respectées les dispositions douanières relatives au régime de la destination particulière (DP) : pour la CJUE, « par conséquent, si l’utilisation des marchandises est un motif d’exemption du droit antidumping, elle ne saurait permettre de justifier la méconnaissance, par l’importateur, du régime de demande d’exemption de droit antidumping instauré par ce règlement ».
 
Pas de définition des « circonstances exceptionnelles » mais un manquement aux obligations de l’opérateur
 
Il résulte des développements ci-dessus qu’aucun des arguments de l’opérateur ne peut constituer une « circonstance exceptionnelle », au sens du § 2 de l’article 172 du CDU, AD,... « sans qu’il soit nécessaire de définir plus avant cette notion » selon la CJUE : pour cette juridiction en effet, le manquement par l’importateur aux obligations établies par le CDU et par les actes en découlant « ne saurait justifier un traitement plus favorable de l’opérateur économique à l’origine de ce manquement ».
 
Notons enfin que la CJUE indique que « ce n’est qu’à titre dérogatoire », en présence de « circonstances exceptionnelles », que le § 2 de l’article 172 prévoit qu’une autorisation peut prendre effet antérieurement à la date d’acceptation de la demande : autrement dit, comme pour toute dérogation en droit, l’interprétation de ce § 2 doit être restrictive.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 745-50. La décision ici présentée est intégrée à ce numéro dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit