<< Retour aux articles
Image

Des stratégies douanières au Colloque de l’association Collin de Sussy

Transport - Douane
20/11/2023
La maîtrise des réglementations non douanières et la présentation d’outils pour la compliance à destination des opérateurs constituent, avec le sujet des sanctions, les thèmes de l’après-midi du XVIe Colloque de l’association Collin de Sussy, placé sous le thème de « La nouvelle stratégie européenne en matière de politique douanière », qui s’est tenu le 16 novembre 2023.
Après la stratégie concernant l’Union douanière qui a occupé la matinée du Colloque (voir La réforme de l’union douanière au Colloque de l’association Collin de Sussy, Actualités du droit, 17 nov. 2023), l’après-midi de cet événement est tourné vers des sujets plus spécifiques et/ou nationaux qui permettent aux opérateurs de connaître et comprendre le contexte et d’orienter leurs actions vers des stratégies de conformité/compliance.
 
Stratégie pour l’application des règlementations européennes non douanières : quelques exemples
 
S’agissant de ces réglementations non douanières (sectorielles et techniques) que la Douane est chargée d’appliquer, Florian Simoneau, le responsable du bureau « restriction et sécurisation des échanges » de la sous-direction du commerce international à la DGDDI, rappelle en la résumant l’action de cette administration : d’une part, elle coopère avec l’autorité administrative compétente désignée à l’élaboration de la réglementation (pour s’assurer de la faisabilité de sa mise œuvre la concernant), et d’autre part elle opère les contrôles au moment du dédouanement. Fixé précisément à 365, le nombre de ces réglementations non douanières est augmenté de celle applicable au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le MACF (sur une présentation de ce MACF, voir l’encadré ci-dessous).
 
MACF. – Concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le ministère de la transition écologique est désigné autorité compétente (et la DG Trésor s’intéresse au sujet à « titre prospectif »), rappelle Florian Simoneau qui décrit une « dispositif innovant » via une déclaration des productions de carbone et la vérification par la Commission européenne des incohérences par rapport aux déclarations douanières. La Douane française occupe deux rôles dans ledit dispositif :
  • la vérification de ce que les opérateurs aient l’autorisation de dédouaner les marchandises concernées, c’est-à-dire qu’ils aient le statut de « déclarant MACF autorisé » ;
  • l’identification des minorations dans les déclarations en douane, par le contrôle des quantités, de l’origine ou des codes nomenclature, ce qui est là classique pour cette administration.
 
Répondant à la question des « risques » dans cette matière nouvelle pour les opérateurs, le responsable du bureau « restriction et sécurisation des échanges » confirme la démarche d’accompagnement de la Douane en ce qui les concerne par le développement d’outils et par des comités destinés à les éclairer. Il ajoute que la période transitoire est bien une phase de « préparation », « à blanc », pour les autorités comme pour les opérateurs. Bien sûr, des sanctions seraient prises pour les entreprises qui ne délivreraient pas le rapport trimestriel, mais l’idée n’est pas d’aller vers des « actions répressives mais vers un accompagnement ».
 
Pour les aider, les opérateurs peuvent aussi compter sur les fédérations professionnelles. Ainsi, Rachel Dethier, responsable Douane et commerce international de la FICIME, confirme cet engagement à les accompagner notamment dans la définition du périmètre de cette réglementation MACF, beaucoup de compétences étant concernées (et/ou à acquérir) dans l’entreprise (douane, responsable de la production carbone, achats, etc.), et impliquant de travailler « en gestion de projet ». Elle souligne aussi un aspect particulier du dispositif MACF qui consiste à interroger les fournisseurs hors UE et surtout à s’assurer qu’ils donnent en retour les informations utiles à l’édification des rapports que les opérateurs doivent ensuite déposer.
 
Dans le cadre de ce mécanisme d’ajustement, le devoir de conseil d’un représentant en douane enregistré (DRE) consiste, selon Olivier Thouard, le directeur des affaires douanières de Bolloré transports & Logistics, à alerter son client, à l’informer qu’il doit s’interroger sur ce MACF, et bien sûr à l’accompagner dans les opérations de dédouanement mais pas en ce qui concerne les données des produits qu’il ne connait pas : le RDE ne vérifiera pas le contenu (la conformité) des certificats.
 
Sur une présentation du MACF « dans ces colonnes », voir notamment :  
 
Déforestation importée. – Publié en juin dernier, le règlement 2023/1115, « relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts (...) », constitue le cœur du sujet (Règl. (UE) 2023/1115, 31 mai 2023, JOUE 9 juin, n° L 150). Dans un contexte de responsabilité sociale ou sociétale des entreprises (RSE), les entreprises doivent intégrer ce type de responsabilités (comme celles liées au MACF d’ailleurs) dans leurs objectifs de développements durable. Et la Douane travaille là encore avec les autorités compétentes (ici le Ministère de la transition écologique) à ce que cette réglementation soit applicable et opère un contrôle au moment du dédouanement pour éviter les contournements. Concrètement, les opérateurs doivent effectuer des « diligences raisonnées » : collectes de données (GPS des parcelles) ; analyse de risque et actions pour la gestion de ceux-ci ; fourniture d’un document qui formalise ces diligences et qui sera analysé par les autorités compétentes.
 
Travail forcé. – Le projet d’interdiction des importations de marchandises issues du travail forcé est ici évoqué et Florian Simoneau souligne, dans ce système à venir, que la décision d’interdiction d’importation d’un État membre devrait être suivie par les autres et donc que la coordination serait essentielle.
 
« Classiques » BDU. – Marie-Caroline Vieillemard, la Cheffe du Service des biens à double usage (SBDU), rappelle l’enjeu économique du sujet de ces biens qui peuvent avoir un usage à la fois civil et militaire qui représentent par an 4 000 licences délivrés pour 9 milliards d’euro. Son service est l’autorité de classement des marchandises des biens soumis au règlement 2021/821 du 20 mai 2021 + LE0000887804 « instituant un régime de l’Union de contrôle des exportations, du courtage, de l’assistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens à double usage ». Les enjeux sont bien sûr aussi opérationnels puisqu’il s’agit d’assurer la régulation des flux aux côtés des opérateurs par un « accompagnement » dans la détermination de l’assujettissement au règlement précité, en passant par l’évocation de sujet d’ampleur, jusqu’au dédouanement avec l’interconnexion des systèmes de licences et de dédouanement (en 2021, 95 % du dédouanement des BDU se font de façon dématérialisée).
 
Interrogée l’utilisation de la table « indicative » de correspondance entre les codes de la nomenclature combinée (NC) et les codes du règlement de 2021/821 que la Commission européenne met à disposition des opérateurs, la cheffe du SBDU souligne que cette institution réalise ce document sans consultation des États membres et que c’est bien seulement une « corrélation indicative », ce dernier mot étant le plus important : il faut donc absolument consulter et se référer d’abord aux listes des biens du règlement précité.
 
Contrôles sanitaires et qualité à l’importation de denrées alimentaires. – Jusqu’au 31 mai 2023, la DGCCRF était compétente pour effectuer ces contrôles, mais depuis le 1er juin 2023 un transfert de compétences a été opéré au profit de la Douane (Avis aux opérateurs concernant la généralisation du transfert à la DGDDI des contrôles à l'importation de la qualité sanitaire et/ou biologique des denrées alimentaires d'origine non animale, de la conformité aux normes de commercialisation de fruits et légumes et de la conformité de matériaux au contact des denrées alimentaires, NOR : ECOD2313661V, JO 25 mai 2023, abrogé/remplacé par Avis aux opérateurs concernant la généralisation du transfert à la DGDDI des contrôles à l'importation de la qualité sanitaire et/ou biologique des denrées alimentaires d'origine non animale, de la conformité aux normes de commercialisation de fruits et légumes et de la conformité de matériaux au contact des denrées alimentaires, NOR : ECOD2326140V, JO 1er oct. 2023). « Exception qui confirme la règle », c’est l’un des rares cas où cette administration est à la fois l’autorité compétente (qui va donc délivrer le document d’ordre public, DOP) et l’autorité douanière de contrôle. Le périmètre fixé dans les textes précités vise le contrôle sanitaire et de qualité pour :
  • les denrées alimentaires d’origine non animale ;
  • les produits biologiques ;
  • et les normes de commercialisation des fruits et légumes.
 
Stratégie pour la compliance : quelques outils
 
S’agissant de la sécurisation de la supply chain, Thibault Dollet, le directeur douane de l’Oréal Opérations, rappelle le caractère « vertueux » du statut d’opérateur économique agréé (OEA), notamment via l’audit qu’il induit.  Michel Baron, le chef du Bureau politique du dédouanement à la DGDDI, confirme l’aspect « structurant » qui découle du questionnaire d’autoévaluation (QAE) et de la grille d’audit dans le processus d’obtention du statut.
 
Abordant la « Global trade compliance » au cœur de la stratégie des entreprises, et en particulier le recours aux outils de veille, Maître Fabien Foucault interroge la Douane : plutôt que le recours aux notes aux opérateurs (NAO) qui, si elles sont certes utiles, sont parfois difficiles voire impossibles à trouver sur son site, un « retour des circulaires » de la DGDDI est-il envisageable ? Michel Baron répond que « c’est son souhait », soulignant qu’il n’existe pas de « BOFIP douanier », mais rappelant toutefois la large diffusion qui est faite des NAO.
 
S’agissant du self-assessment, avantage de l’actuel CDU qui n’est de fait pas appliqué sauf peut-être dans deux cas selon l’avocat précité, le chef du Bureau politique du dédouanement à la DGDDI rappelle/explique que c’est toujours lié à l’absence de lignes directrices adoptées par la Commission sur ce sujet.
 
Sanctions douanières : réflexions avec le futur CDU
 
Fréquemment abordé, le défaut d’harmonisation des sanctions douanières dans l’UE l’est à nouveau au colloque. Selon Corinne Cléostrate, la sous-directrice des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude (DGDDI), le futur CDU avec son titre XIV dédié aux « dispositions communes relatives aux infractions douanières et aux sanction non pénales » (art. 245 et s.) devrait au moins en partie y remédier. Elle souligne en effet que l’article 254 donne une définition minimale des sanctions non pénales, un « socle minimal », mais que les États membres peuvent toujours prévoir des mesures plus strictes (art. 245) et des infractions intentionnelles. L’avancée demeure, selon elle, cette « une base commune » et la définition de circonstances atténuantes (art. 247) et aggravantes (art. 248), et par conséquent un « début d’homogénéisation » pour certains manquements.
 
Code des douanes français : recodification. Pour le Directeur général adjoint des douanes, Jean-François Dutheil, la recodification doit amener « plus de clarté pour les entreprises » (et donc plus de prévisibilité). Corinne Cléostrate confirme que cette recodification permettra « plus de lisibilité » et précise notamment qu’elle aura lieu « à droit constant », que sa structure sera modernisée avec une partie législative et une autre réglementaire et qu’une « concertation » avec les opérateurs est prévue. Les textes réglementaires y seront codifiés et les parties obsolètes seront supprimées, ajoute sans surprise Michel Baron.
 
 
Source : Actualités du droit