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Colloque douanier de l’ODASCE : ce que proposent les opérateurs

Transport - Douane
29/11/2022
La seconde journée du colloque « Horizon douane 2030 : la voix des entreprises » a permis aux opérateurs de présenter des propositions sur le dédouanement, l’origine, la digitalisation et la conformité. Loin d’être vague, la volumineuse liste d’idées dont nous reprenons une sélection prouve qu’ils ont bien « planché » à Biarritz où s’est tenu cet événement les 23 et 24 novembre 2022.
Comme à l’accoutumée, après la première journée (voir « Colloque douanier de l’ODASCE : ce qui attend les opérateurs de 2023 à 2030 au moins », Actualités du droit, 25 nov. 2022), la seconde journée du colloque de l’ODASCE est dédiée aux laboratoires d'idées : les participants – opérateurs, fédérations, conseils, prestataires de service et Douane – ont surtout l’occasion d’exposer leurs idées et d’échanger entre eux mais aussi avec l’administration. Ces idées sont ensuite synthétisées et exposées sous forme de propositions qui seront soutenues par l’association auprès de la Douane notamment.  
 
Remarques
Comme l’indique à juste titre le président de l’ODASCE Marc Brocardi, lors de son discours d’ouverture du colloque, avec un contexte international perturbé (Brexit, Covid, guerre en Ukraine, etc.), c’est le « retour des frontières » et l’action pour un partenariat Douane-entreprise devient d’autant plus nécessaire.
 
Nous reproduisons ci-dessous et « par labo » les constats et suggestions dans une présentation non exhaustive.
 
Labo « Facilitation et schéma du dédouanement »
 
S’agissant de l’ICS2, la nouvelle déclaration de sécurité et de sûreté (ENS), le besoin d’informations en temps utile quant à l’entrée en vigueur de chaque phase est souligné par Frank Janssens dans sa synthèse du laboratoire : il s’agit là d’une demande qui concerne directement la Douane et doit permettre aux opérateurs de disposer du temps nécessaire à l’adaptation de leurs systèmes informatiques, comme cela a été indiqué à plusieurs reprises lors de la première journée du colloque. Il ajoute aussi notamment le besoin de disposer de renseignements clairs sur le statut de l’ENS (complète ou pas) et propose de ne pas appliquer de sanction pendant la période de transition.
 
S’agissant du dédouanement centralisé national et européen, du dépôt temporaire, de mise en libre pratique... et du dédouanement en général, les opérateurs expriment les besoins suivants :
  • une information sur les aspects opérationnels (dont la TVA et les cas spéciaux comme les accises, les licences, etc.) ;
  • une « business simulation » afin de visualiser les process métiers en dédouanement centralisé pour mieux en connaitre les effets ;
  • un même niveau d’engament de tous les États membres ;
  • une réelle reconnaissance du statut de l’OEA dans tous les États membres et une application de ses avantages dans tous ceux-ci (un opérateur a souligné au cours de ce laboratoire que, hors de l’Hexagone, son autorisation d’opérateur économique agréé délivrée par la Douane française ne lui permet pas de profiter de tous les avantages du statut comme par exemple la réduction des contrôles) ;
  • une progression de la mise en œuvre des garanties et des reports de paiement comme prévus par le CDU ;
  • une clarification de l’autorité compétente pour la sortie des marchandises en DCC et DCN.
 
Labo « Origine et supply chain »
 
Dans une période de commerce international perturbé, pour rester compétitif, la question de l’approvisionnement/du sourcing se pose, rappelle François Cathelineau en charge de ce laboratoire. Et donc aussi la question de l’origine. Cette dernière permet de bénéficier de préférences tarifaires dans le cadre des accords de libre-échange notamment, mais doit aussi rappeler les opérateurs à leur devoir de vigilance (au regard par exemple de la lutte contre le travail forcé, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), etc.).
 
Les propositions et demandes exprimées s’adressent à tous les niveaux institutionnels :
  • à l’OMC/OMD : une harmonisation des règles d’origine non-préférentielle (ONP) ;
  • à la DG Taxud : une harmonisation des règles d’origine préférentielle (OP) ;
  • et à la Douane française : d’une part, une anticipation et une accélération de l’obtention des RCO et RTC (l’origine étant indissociable de l’espèce), d’autre part, un meilleur accompagnement des opérateurs (par un soutien pédagogique et des services).
 
Labo « Commerce international et digitalisation »
 
Après avoir constaté que la digitalisation est une obligation réglementaire internationale et que la donnée fiable à l’instant « T » évolue dans le temps et doit être tracée, Caroline de Saussure, Director Global Customs chez Geopost/DPD, qui a animé ce laboratoire, identifie les problématiques suivantes : la responsabilité des opérateurs et des divers participants dans la chaîne, dont les représentants en douane enregistrés (RDE), et la sécurisation de la donnée.
 
Sur ces points-ci, les demandes ci-dessous sont formulées :
  • un accès des opérateurs aux formalités qui ont été accomplies sous leurs identifiants (EORI, TVAIOSS, etc.) ;
  • la mise en place du mandat électronique du chargeur au RDE sur initiative du premier (cette dématérialisation existant dans d’autres États membres) : il s’agit d’une part de déterminer qui peut accomplir quelle formalité, auprès de quelles autorités, pendant combien de temps, en France ou dans d’autres États membres en pouvant le modifier ou le supprimer à tout moment, et d’autre part d’introduire un « effet bloquant » dans les systèmes déclaratifs en cas de non-conformité au mandat ;
  • la standardisation, voire la certification, d’outils internes aux entreprises pour traiter de la donnée ;
  • l’encadrement réglementaire de la responsabilité de la fourniture de la donnée, notamment quand plusieurs acteurs de la chaîne participent à la constitution de la formalité déclarative (exemple du multiple filling) ; le transporteur reste en effet responsable de la formalité déclarative quand la donnée peut dépendre d’autres opérateurs ;
  • la poursuite de la dématérialisation du non-douanier et le rapprochement des standards entre les différentes réglementations (fiscaux, douaniers, export control, DOP, etc.).
 
Labo « Conformité et formation »
 
Faisant la synthèse des constats et enjeux de ce laboratoire, Emmanuelle Gidoin, la Directrice de l’École Nationale des Douanes, retient en substance que les opérateurs, pour atteindre leur objectif de compliance/conformité, doivent intégrer le « millefeuille réglementaire » et s’adapter aux perturbations internationales. Mais pour y parvenir efficacement, des suggestions et demandes listées ci-dessous sont formulées par ceux-ci.

S’agissant de la relation Douane-entreprise, des points sont en particulier mentionnés à destination de cette administration :
  • veille réglementaire : la publication des instructions et textes sur le site de la Douane est indiquée (il s’agit plus précisément de pratiquer une publication systématique et exhaustive des informations que diffuse cette administration, et les « notes aux opérateurs », même si elles connaissant déjà une large diffusion, sont notamment visées) ;
  • compréhension de la réglementation : la simplification de la rédaction des « notes aux opérateurs » est demandée, ainsi que la généralisation de la pratique des réunions douane-entreprises ;
  • formation des douaniers : l’instauration de stages en entreprises, en formation initiale et continue est suggérée, l’idée étant bien sûr de leur permettre de connaitre les évolutions des métiers et contraintes des opérateurs sur le long terme ;
  • OEA : le maintien d’un dialogue constant entre les audits est sollicité ;
  • harmonisation de l’interprétation des textes dans les services : si la demande est exprimée par les opérateurs, ceux-ci n’ont en revanche pas formulé de solutions en ce sens.
 
Trois autres sujets sont aussi soulignés mais concernent cette fois surtout les opérateurs :
  • la sensibilisation du top management aux aspects/enjeux douaniers : en s’appuyant sur le réseau des experts comptables ; en promouvant la douane auprès des décideurs (politiques) et futurs décideurs en entreprise (dans les écoles de commerce par exemple) ; en mettant en place une task force DGDDI/représentants d’entreprises pour élaborer un plan de bataille sur ce sujet ;
  • la prise en compte des problématiques douanières dans les contrats par l’ajout de clause portant sur les risques douaniers ;
  • et la valorisation de la fonction douane en entreprise par l’intégration de celle-ci dans le parcours des nouveaux arrivants et dans la charte des valeurs des sociétés.
 
Le renforcement du partenariat chargeurs-représentants en douane enregistrés a aussi été mentionné, mais a manifestement fait l’objet d’un débat au sein du laboratoire s’agissant du rôle de conseil des RDE : certains RDE ne le pratiqueraient pas alors que d’autres si. Non présent au laboratoire où ses propos ont été tenus, il ne nous est pas possible d’entrer plus dans le détail des arguments. En revanche, il doit être rappelé sommairement que le juge considère que le commissionnaire en douane, tout comme le RDE qui lui a succédé, est tenu à un devoir de conseil.
 
 
Source : Actualités du droit