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Responsabilité du commissionnaire en douane : calcul du préjudice financier

Transport - Douane
17/02/2022
Pour évaluer le préjudice financier subi par un importateur s’agissant d’un montant de droits de douane éludés consécutif à une faute de son commissionnaire en douane qui doit le réparer, la cour d’appel de Versailles donne une méthode de calcul dans une décision du 1er février 2022.
Un commissionnaire ayant commis une erreur dans les déclarations qu’il a faites pour son client importateur, ce dernier se voit réclamer 10 % de droits de douane par la Douane. Le commissionnaire est condamné par le tribunal de commerce à indemniser l’importateur à hauteur de ces 10 % de droits éludés. Mais, en appel, les magistrats rectifient le montant de la réparation du préjudice financier avec un calcul qui, sauf erreur, fait rarement l’objet d’autant de précision.
 
Rappel des principes
 
La cour d’appel rappelle d’abord d’une manière générale que « la réparation a pour objet de replacer la victime autant que possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu » et qu’« il ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit ». Elle poursuit, s’agissant du préjudice financier de l’importateur, en indiquant que le « paiement des droits éludés, qui correspond à l'exécution par le contribuable d'une obligation légale, n'est pas en soi un préjudice indemnisable » et qu’il appartient à l’opérateur de rapporter la preuve du caractère déficitaire des opérations d'importation des marchandises.
 
Elle écarte donc d’emblée la méthode calcul du tribunal qui, pour chiffrer le montant du préjudice, a calculé le taux de marge commerciale sur les opérations d'importation, constaté que les droits éludés et payés à hauteur de 10 % de la valeur d'importation excédaient ce taux de marge et, enfin, retenu que le préjudice subi s'établissait à la somme totale du montant des droits éludés : en effet, selon la cour d’appel, « à l'évidence, cette évaluation du préjudice ne peut être retenue dès lors qu'elle revient en réalité à indemniser [l’opérateur] du montant des droits éludés ».
 
Formule/méthode de calcul
 
La cour d’appel donne – et cela nous semble inédit ce qui en fait un des intérêts majeurs de l’arrêt –, une méthode de calcul du préjudice financier en question. Elle se fonde notamment sur les éléments qui suivent.
 
L’attestation d’un expert-comptable quant à la marge brute sur la vente des marchandises importées en 2015 et 2016 qui s'élève respectivement :
  • à 5,50 % pour un chiffre d'affaires de 4 071 458 euros ;
  • et à 4,83 % pour un chiffre d'affaires de 2 696 757 euros.
 
Cette attestation prouve suffisamment, selon la cour, le caractère déficitaire des opérations litigieuses compte tenu de l'application d'un droit de douane de 10 % sur celles-ci et donc l'existence d'un préjudice financier.
 
Les procès-verbaux de constat de la Douane démontrent les montants des importations sur lesquelles portent les droits éludés :
  • pour 2015 : un montant total de 2 662 011 euros ;
  • pour 2016 : un montant total de 743 312 euros.
 
Aussi, « en l'absence de proposition de calcul par l’importateur » selon les juges, son préjudice, qui correspond au déficit sur les importations litigieuses, compte tenu des droits de douane correspondant à 10 % du montant des marchandises importées qu'il a acquittés, peut être évalué :
- pour 2015, à 4,50 % (10% - 5,5 %) de 2 662 011 euros = 119 790 euros ;
- pour 2016, à 5,17 % (10 % - 4,83 %) de 743 312 euros = 38 429 euros.
 
Selon nous, la formule de la cour d’appel s’exposerait comme suit s’agissant du préjudice réparable pour X % de droits de douane éludés :
 
Y, le montant du déficit sur les importations litigieuses (où Y est égal à X, le pourcentage des droits éludés, moins Z, le pourcentage de la marge brute sur les vente des marchandises importées) x W (montant des importations sur lesquelles porte X) = montant du préjudice réparable
 
Remarques
L’importateur demandait aussi la réparation d’un « préjudice de trésorerie » s’agissant d’un « coût de financement » du paiement de la dette, mais, pour la cour d’appel, il ne rapporte pas la preuve de ces frais financiers résultant du paiement de la somme due à la Douane, les magistrats observant de surcroît qu'il a obtenu des délais de paiement.
L’importateur demandait encore la réparation d’un préjudice « en lien avec l'annulation des commandes en cours », mais les juges l’écartent également faute, en l’espèce, de lien de causalité entre le redressement et l’annulation des commandes.
L’importateur demandait enfin la réparation d’une baisse de son chiffre d'affaires, sans succès ici non plus, les juges estimant qu’il n'établit pas que cette baisse sur l’année visée provient de l'arrêt des importations en provenance des pays concernés, ni ne prouve le lien de causalité direct entre le préjudice allégué et la faute de son commissionnaire.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2, n° 230. L’arrêt ici exposé est intégré à ce numéro dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit