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Brexit : vigilance, risques et opportunités

Transport - Douane
10/02/2022
Des points d’attention pour 2022 sont à nouveau mis en avant par la Douane s’agissant du Brexit, lors du Symposium organisé par Classe Export le 3 février 2022. Une occasion également de souligner des opportunités et risques côté anglais pour les opérateurs.
Points de vigilance pour 2022
 
Jean-Michel Thillier, Directeur interrégional des douanes des Hauts-de-France et également responsable du projet Brexit en France, rappelle que la France a mis en place le Brexit dès le 1er janvier 2021 et que l’administration a expliqué aux opérateurs l’asymétrie dans la mise en œuvre côté anglais. En effet, seules des formalités à l’exportation ont été rétablies par les Britanniques à cette date (à l’exception d’une procédure ultra simplifiée à l’importation), alors que celles à l’importation sont rétablies depuis le 1er janvier 2022. À cette date-ci, le GVMS (qui est le pendant du SI Brexit) a été mis en place et a suscité quelques difficultés : d’une part, parce qu’il implique plus de responsabilité pour les chauffeurs et qu’il nécessite un enregistrement préalable auprès des autorités britanniques pour présenter le GMR (code barre) dans le GVMS ; d’autre part, parce que le traitement des données est différent, tout comme les conséquences plus strictes qu’en tirent les Anglais (ce qui explique que dès après le 1er janvier 2022, 30 % des camions étaient refoulés au départ sur les deux ou trois premiers jours, mais ce pourcentage est inférieur à 1 % aujourd’hui).
 
Le Directeur interrégional signale aussi la fin d’un allègement par le RU depuis le 1er février 2022 à l’importation en France : les Britanniques demandent désormais un ENS (déclaration sommaire de sécurité à l’exportation) pour les camions vides, cas qui concerne 1 camion sur 2.
 
Au 1er juillet 2022, l’ICS sera mis en place côté anglais et des rappels seront faits par la Douane sur ce point.
 
Jean-Michel Thillier rappelle qu’ICS est déjà en œuvre côté européen et que certains opérateurs n’accomplissent pas correctement cette formalité. Les contrôles seront renforcés en la matière.
 
Au 1er juillet 2022 également, ce sera le développement progressif et étalé sur le second semestre 2022 des formalités sanitaires (contrôles SPS) en fonction de la nature de ces marchandises, ce que doivent encore préciser les Britanniques. De plus, il faut noter que le RU n’utilise pas TRACES mais un autre système (IPAFFS) : celui-ci nécessite une pré-notification qui implique soit qu’on soit établi au RU, soit qu’on y ait une représentation (ce qui renvoie aussi au choix de l’Incoterm et à la répartition des formalités pour déterminer qui fait quoi).
 
Comme il l’a fait lors de la conférence du 27 janvier 2022 (voir notre actualité), le Directeur interrégional alerte à nouveau sur le sujet des exportations qui ne sont pas apurées : les informations ou les consignes données au transporteur et à son chauffeur (depuis la France ou un autre État membre) sont parfois défaillantes : tous les documents nécessaires ne sont pas donnés au moment de l’appairage et de l’embarquement, ce qui nécessite a posteriori un recours à des preuves alternatives auprès du bureau de déclaration d’export pour justifier que la marchandise est bien sortie du territoire douanier et que la marchandise pouvait bien être vendue HT. Il y a encore sur ce sujet « trop de déchet » selon lui.
 
Conformité, instabilité et opportunités avec le Brexit
 
Pour Thérèse-Anne Amy, du Cabinet Arcade Avocat, si 2021 était l’année de la logistique dans les échanges trans-Manche, l’année 2022 sera l’année de la conformité réglementaire. Par « conformité » il convient d’entendre au regard des règles du Royaume-Uni comme cela est énoncé précédemment mais aussi au regard des règles du code des douanes de l’Union européenne. Il faudra, donc, d’autant plus intégrer la fonction douane dans la stratégie globale des entreprises, notamment au regard de la sécurité et de la sûreté. Par conséquent, il y a de ce point de vue une opportunité à saisir pour les Directeurs et Responsables Douane de faire valoir tout l’intérêt que revêt leur expertise pour leur entreprise. Elle recommande de prêter attention à l’encadrement des partenariats commerciaux par les contrats et une attention portée aux Incoterms pour éviter que des entreprises européennes vendent rendu au RU (DDP et ville au RU) contraignant d’assurer le dédouanement à destination sans aucune garantie de conformité réglementaire au regard des règles locales.
 
Une affirmation confortée notamment par les propos de Catherine Truel, consultante établie en Écosse, s’agissant des sujets douaniers côté britannique en raison tant de l’absence d’agrément spécifique pour devenir déclarant (« customs broker ») que d’une instabilité constante du cadre juridique douanier. Donc pour qui veut exporter vers le RU la vigilance s’impose. Sur ce second point, si l’accord entre le RU et l’UE existe bel et bien (même avec encore des zones d’ombre qui vont se clarifier), on trouve aussi à côté en interne le code douanier, le taxation cross-border trade act, qui s’accompagne d’une centaine d’actes délégués, faisant d’ailleurs l’objet de nombreuses corrections, et de lignes directrices (les « guidelines » ayant plus de force juridique que des circulaires). De plus, les sites officiels du gouvernement britannique connaissent des difficultés de mise à jour et les informations données sont parfois si simplifiés qu’elles en deviennent fausses. Autrement dit, stabilité et accessibilité aux règles ne sont pas garanties en raison du manque de visibilité et de certitude.
 
S’agissant encore d’instabilité, Catherine Truel ajoute à propos des accords du RU avec les pays du Commonwealth qu’il faut distinguer deux groupes. D’une part, les accords auxquels le RU était tenu lorsqu’il était dans l’UE et qu’il a « traduit » en accords britanniques : ils correspondent en termes de contenu « à peu près » à une reprise des premiers mais sont surtout d’application temporaire jusqu’à leur renégociation. D’autre part, les accords avec la Nouvelle-Zélande ou l’Australie (pays avec lesquels l’UE n’a pas d’accord) existent mais qui ne seraient pas forcément « intéressants » globalement pour les britanniques, sauf pour certains secteurs.
  
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy Guide des procédures douanières, voir n° 340-64. L’événement ici présenté est intégré à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline au plus vite.
 
 
Source : Actualités du droit