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« Dernière transformation ou ouvraison substantielle » : contrôle du juge sur l’ONP

Transport - Douane
27/05/2021
Le contrôle par la CJUE de la validité d’un règlement de la Commission modifiant l’ex-annexe 11 du règlement d’application du Code des douanes communautaire (CDC, RA), et donc du respect de la notion de « dernière transformation ou ouvraison substantielle » de l’ex-article 24 du CDC, est exposé dans un arrêt du 20 mai 2021 de cette cour.
Pour mémoire, l’ex-article 24 du Code des douanes communautaire (CDC) disposait qu’« une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important », et l’ex-annexe 11 du règlement d’application de ce Code (CDC, RA), fixait – ainsi qu’il résultait de l’ex-article 39 de ce CDC, RA, et de l’intitulé de cette annexe (« Liste des ouvraisons ou transformations conférant ou ne conférant pas au produit transformé le caractère originaire lorsqu’elles sont appliquées aux matières non originaires – Produits autres que les matières textiles et ouvrages en ces matières de la section XI ») –, la liste des produits dont la transformation ou l’ouvraison était considérée comme leur conférant leur origine au sens de l’ex-article 24 du CDC. Cette ex-annexe 11 avait été modifiée par le règlement no 1357/2013 du 17 décembre 2013 de la Commission européenne adopté sur la base de l’ex-article 247 du CDC. Un opérateur, s’étant vu reprocher la déclaration d’une origine erronée s’agissant de modules ou panneaux photovoltaïques introduits par ce règlement n° 1357/2013 dans cette annexe, a mis en cause la validité de ce texte au regard de l’ex-article 24 précité, ce que la CJUE examine.
 
Compétence de la Commission
 
Pour la CJUE, le contrôle de la validité du dispositif du règlement d’exécution no 1357/2013 et des motifs sur lesquels celui-ci repose, doit être effectué en tenant compte de la nature et de l’objet de cet acte, dont la base juridique est l’ex-article 247 du CDC : ce dernier prévoit que les mesures nécessaires pour la mise en œuvre du CDC sont arrêtées conformément à l’ex-article 247 bis, § 2, c’est-à-dire par la Commission assistée par le comité du code des douanes. À cet égard, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’ex-article 247, lu conjointement avec l’ex-article 247 bis, habilite la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre dudit code et, en particulier, à adopter des actes d’exécution ayant pour objet de préciser la façon dont les critères abstraits énoncés à l’ex-article 24 du CDC doivent être interprétés et appliqués dans des situations concrètes (voir notamment, CJCE, 23 mars 1983, n° 162/82, Cousin e.a., EU:C:1983:93, point 17).
 
La Commission est donc habilitée à adopter, sur la base des ex-articles 247 et 247 bis, des actes d’exécution, tel le règlement no 1357/2013, pour préciser, en présence d’une ou de plusieurs catégories concrètes de marchandises dans la production desquelles sont intervenus plusieurs pays, celui d’entre ces pays dont ces marchandises doivent être considérées comme étant originaires, pour autant que les critères énoncés à l’ex-article 24 soient remplis et, par conséquent, que le pays ainsi retenu constitue, notamment, celui où a eu lieu la « dernière transformation ou ouvraison substantielle » desdites marchandises.
 
Conditions pour la modification de l’ex-annexe 11
 
L’exercice du pouvoir ci-dessus par la Commission est soumis, selon une jurisprudence constante de la Cour, au respect des exigences ci-après.
 
Une modification justifiée
 
En premier lieu, l’acte d’exécution que la Commission est habilitée à adopter doit être justifié par des objectifs tels que ceux consistant à assurer la sécurité juridique ainsi que l’application uniforme de la réglementation douanière de l’Union. Et c’est le cas en l’espèce pour la CJUE, le règlement visant à préciser la façon dont les critères énoncés à l’ex-article 24 doivent être appliqués à l’égard des modules et des panneaux solaires originaires de Chine pour assurer la mise en œuvre correcte et uniforme des droits antidumping et des droits compensateurs mis en place par l’UE.
 
Une modification motivée
 
En second lieu, cet acte d’exécution doit être motivé pour permettre aux juridictions de l’Union d’en contrôler la légalité, dans le cadre d’un recours direct, ou d’en apprécier la validité, dans celui d’un renvoi préjudiciel, dans l’hypothèse où ces juridictions seraient saisies de cette question (voir notamment, CJCE, 23 mars 1983, n° 162/82, Cousin e.a., EU:C:1983:93, point 20 et 21). Et c’est encore le cas pour la Cour (points 43 et 44 en l’espèce).
 
Absence d’erreur de droit : la notion de la « dernière transformation ou ouvraison substantielle » des marchandises concernées
 
Pour la CJUE, son contrôle consiste d’une part à vérifier que la Commission n’a pas commis, en l’adoptant, d’erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’ex-article 24 à la situation concrète concernée, par exemple en s’écartant des critères auxquels ledit article soumet la détermination de l’origine des marchandises (voir notamment, CJCE, 23 mars 1983, n° 162/82, Cousin e.a., EU:C:1983:93, point 15).
 
Cette origine doit en effet « en tout état de cause » être déterminée en fonction du critère déterminant que constitue la « dernière transformation ou ouvraison substantielle » des marchandises concernées. Et, selon la jurisprudence de la Cour, « cette expression doit elle-même être comprise comme renvoyant à l’étape du processus de production au cours de laquelle ces marchandises acquièrent leur destination (...) ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant (...), et qui ne sont pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes (...) », ce qui est le cas pour le juge en l’espèce.
 
Absence d’erreur manifeste d’appréciation
 
Le contrôle de la CJUE porte d’autre part sur le point de savoir si, indépendamment de toute erreur de droit, la Commission, à laquelle la Cour reconnaît une marge d’appréciation dans le cadre de la mise en œuvre de l’ex-article 24 du CDC (voir notamment, CJCE, 23 mars 1983, n° 162/82, Cousin e.a., EU:C:1983:93, point 17), a commis une erreur manifeste d’appréciation en procédant à cette mise en œuvre, compte tenu des faits de la situation concrète concernée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
 
Et avec le CDU ?
 
Avec le Code des douanes de l’Union, la solution serait la même : l’ex-article 24 du CDC étant repris à l’identique par l’article 60 du CDU et le mécanisme de l’ex-annexe 11 du CDC, RA, par celui de l’annexe 22-01 de l’acte délégué du Code (CDU, AD), avec l’article 32 de ce même CDU, AD.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, 340-23 et n° 340-26. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit