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Délai de prescription de la dette douanière : quid pour la caution ?

Transport - Douane
26/05/2021
Parce qu’elle n’est pas un débiteur au sens de l’ex-Code des douanes communautaire, la caution n’est pas soumise au délai de prescription de la dette douanière, selon une décision du 20 mai 2021 de la CJUE. Cette dernière précise toutefois que la mise en œuvre de « toutes les possibilités » par un État membre pour obtenir le paiement de cette dette s’applique à la caution et vise les règles relatives aux délais, ceux de la prescription contre la caution devant être raisonnables en application du principe de sécurité juridique.
L’administration fiscale lettonne a demandé à la caution d’un gestionnaire d’un entrepôt douanier de régler la dette douanière de ce dernier. Mais cette caution estime s’être vu notifier tardivement son appel en garantie par cette administration. L’affaire est arrivée devant la CJUE, la juridiction de renvoi considérant notamment qu’aucune disposition du droit de l’Union – en l’espèce le Code des douanes communautaire alors applicable –, ne prévoit expressément le délai dans lequel le paiement de la dette douanière peut être réclamé à la caution.
 
N’étant pas un débiteur au sens du CDC, la caution n’est pas soumise au délai de prescription de la dette douanière
 
Visée à l’ex-article 195 du Code des douanes communautaire (CDC), la caution d’une dette douanière ne peut pas, selon la CJUE, être qualifiée de « débiteur » au sens de l’ex-article 221, § 3, de ce code, et, partant, ne peut donc pas se voir appliquer le délai de prescription de trois ans à compter de la naissance de la dette douanière prévu par ce dernier texte.
 
Pour retenir cette solution, la Cour se fonde d’abord sur une interprétation littérale/textuelle : la caution n’est désignée à aucun article du CDC comme « débiteur de la dette douanière » ; or, le législateur de l’Union a entendu fixer de manière complète les conditions de détermination des personnes débitrices de la dette douanière. De plus, l’ex-article 195 prévoit seulement que la caution s’engage, par écrit, à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible : la caution ne se substitue donc pas au débiteur, mais garantit le paiement de la dette douanière selon les conditions légales ou prévues au contrat de cautionnement. Par conséquent, même si elle est tenue, le cas échéant, de payer le montant garanti de la dette douanière en exécution de son engagement de caution, elle doit être considérée comme une personne distincte du « débiteur », et elle n’est pas concernée par l’ex-article 221 du CDC qui dispose que le montant des droits doit être communiqué au débiteur dès qu’il a été pris en compte (§ 1) et que la communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration du délai de trois ans à compter de la date de naissance de la dette douanière (§ 3).
 
Un argument pratique de la CJUE corrobore sa solution : l’objet même du cautionnement étant de procurer une garantie en cas de défaut de paiement de la dette douanière par le débiteur, elle intervient donc, par hypothèse, postérieurement à la communication audit débiteur du montant des droits de douane.
 
La mise en œuvre de « toutes les possibilités » par un État membre pour obtenir le paiement de la dette s’applique à la caution, ce qui comprend les règles relatives aux délais
 
Pour mémoire, l’ex-article 232 du CDC dispose que, lorsque le montant des droits de douane n’a pas été payé dans le délai fixé, « les autorités douanières font usage de toutes les possibilités que leur accordent les dispositions en vigueur, y inclus l’exécution forcée, pour assurer le paiement de ce montant (…) » (§ 1, a)). Pour la CJUE qui interprète ce texte, l’obligation des États membres de recourir à « toutes les possibilités » pour obtenir le paiement des droits s’applique non seulement au débiteur, mais aussi à la caution : cette dernière peut donc être considérée comme la personne contre laquelle l’exécution forcée est dirigée et qui est soumise aux règles de l’État membre, y compris celles relatives aux délais, en matière d’exécution (point 43). Le § 1, a), s’applique à la caution même s’il ne la mentionne pas selon la Cour : d’une part, il vise précisément à pallier la défaillance du débiteur ; d’autre part, l’article 232, § 1, sous a), second alinéa, mentionne expressément la caution lorsqu’il précise que des dispositions particulières peuvent être arrêtées à son égard dans le cadre du régime de transit.
 
Le délai de prescription contre la caution doit être raisonnable en application du principe de sécurité juridique
 
La règle découlant du principe de sécurité juridique selon laquelle il convient de respecter un délai de prescription raisonnable s’applique à l’action introduite contre la caution afin d’assurer le recouvrement d’une dette douanière, selon la CJUE qui boucle son raisonnement en rappelant, en particulier, que ce principe de sécurité juridique vise, selon une jurisprudence constante, à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques et exige, notamment, que la situation d’un redevable, concernant ses droits et ses obligations à l’égard de l’administration fiscale ou douanière, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause.
 
Et avec le CDU ?
 
Le Code des douanes de l’Union et ses actes délégué et d’application ne comportant ni disposition sur ce sujet, ni disposition s’y opposant, la solution serait la même sous son empire.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1479 et n° 1499. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit