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Valeur transactionnelle : sort des frais de transport jusqu’au TDU supportés en application des conditions de vente par le producteur et excédant le prix effectivement payé

Transport - Douane
27/04/2021
Pour déterminer la valeur en douane de marchandises importées, on n’ajoute pas à leur valeur transactionnelle les frais effectivement supportés par le producteur pour le transport de ces marchandises jusqu’au lieu de leur introduction sur le territoire douanier de l’Union européenne lorsque, selon les conditions de livraison convenues, ces frais lui incombent, et ce même s’ils excèdent le prix effectivement payé par l’importateur, pour autant que ce prix corresponde à la valeur réelle de ces marchandises. C’est ce que retient la CJUE dans un arrêt du 22 avril 2021 en écartant l’application d’articles du « paquet CDU » dont les conditions ne sont pas remplies et en prenant en compte les conditions de vente.
Un importateur en Lituanie achète du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 auprès d’un intermédiaire et importe sur le territoire douanier de l’Union (TDU) diverses quantités d’acide sulfurique technique produit par une société établie en Biélorussie, le « producteur ». Pour chaque transaction, un contrat supplémentaire est conclu stipulant un prix spécifique et dit « Rendu frontière » selon l’incoterm DAF (il prévoit que l’intégralité des frais de transport des marchandises importées est à la charge du producteur jusqu’au lieu de livraison convenu à la frontière). La valeur en douane des marchandises déclarée par l’importateur indique les montants effectivement payés tels que ces derniers figurent sur les factures émises par l’intermédiaire.
 
Constatant que cette valeur en douane déclarée est inférieure aux frais effectivement supportés par le producteur pour le transport par voie ferroviaire de ces marchandises jusqu’au point de passage frontalier, et estimant alors qu’en l’absence d’ajustement de la valeur transactionnelle par l’ajout de ces frais de transport les déclarations en douane ne reflèteraient pas l’ensemble des éléments desdites marchandises présentant une valeur économique, la Douane lituanienne ajoute ces frais à la valeur transactionnelle et redresse l’importateur.
 
Au contraire, l’importateur estime que le prix de vente des marchandises importées reflète leur valeur réelle puisque, d’une part, le producteur n’a pas la possibilité de transformer ou de stocker ces marchandises et, d’autre part, le recyclage desdites marchandises engendre des frais très élevés. Aussi, même si ce prix ne couvre pas l’intégralité des frais de transport encourus par le producteur, il reste justifié et économiquement avantageux pour ce producteur : il réaliserait en effet une économie puisque le montant de la taxe écologique imposée en Biélorussie au titre du recyclage des marchandises (objets de l’importation) qu’il aurait à acquitter excéderait le montant de la valeur en douane déclarée et des frais de transport de ces marchandises.
 
L’importateur saisit le juge national et l’affaire arrive devant la CJUE.
 
Argument de textes
 
La juridiction de renvoi ayant relevé que le prix payé correspond à la valeur réelle des marchandises et que rien ne démontre qu’il soit fictif (il n’y aurait donc ni fraude, ni abus de droit), le litige au principal ne concerne pas une valeur en douane arbitraire ou fictive, mais porte uniquement, selon la CJUE, sur la question de savoir si notamment l’article 71, paragraphe 1, sous e), i), du Code des douanes de l’Union (CDU) impose d’ajouter à la valeur transactionnelle les frais de transport supportés, conformément aux conditions contractuelles, par le producteur et inclus dans le prix de vente, lorsque ce prix ne permet pas de couvrir l’intégralité des frais de transport. Or, selon cette Cour, si cette disposition permet de compléter le prix effectivement payé par l’ajout des frais de transport, elle exige que ces frais n’aient pas d’ores et déjà été inclus dans ce prix, ce qui est le cas de conditions de vente stipulant un prix « Rendu frontière ». Le juge de l’UE confirme son interprétation en relevant que le § 3 de l’article 138 du règlement d’exécution du Code (CDU, AE) ne permet l’ajout des frais de transport à la valeur transactionnelle des marchandises importées « que » lorsque le transport est assuré soit gratuitement soit par les moyens de l’importateur (ce qui n’est pas le cas en l’espèce). Les conditions de ces textes n’étant pas remplies, ils n’ont donc pas à s’appliquer et l’ajout des frais de transport n’a pas lieu d’être. Et le fait qu’en l’espèce les frais de transport supportés par le producteur soient supérieurs au prix effectivement payé par l’importateur « n’est pas de nature à modifier cette conclusion, à la condition que ce prix reflète la valeur réelle de ces marchandises ».
 
Rappel des textes
CDU, art. 71, « Éléments de la valeur transactionnelle » :
« 1.      Pour déterminer la valeur en douane en application de l’article 70, le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées est complété par :
[...]
e)      les frais suivants jusqu’au lieu où les marchandises sont introduites sur le territoire douanier de l’Union :
i)      les frais de transport et d’assurance des marchandises importées ;
[...]
3.      Pour la détermination de la valeur en douane, aucun élément n’est ajouté au prix effectivement payé ou à payer, à l’exception de ceux qui sont prévus par le présent article. »
 
CDU, AE, art. 138, « Frais de transport » :
« 3. Lorsque le transport est assuré gratuitement ou par les moyens de l’acheteur, les frais de transport qui doivent être inclus dans la valeur en douane des marchandises sont calculés suivant le tarif habituellement pratiqué pour les mêmes modes de transport. »

La décision est aussi rendue sur le fondement des textes du Code des douanes communautaire et de son règlement d’application qui ne sont pas ici mentionnés
 
Prise en compte des conditions de vente pour la valeur en douane
 
La prise en compte des conditions de vente pour définir la valeur en douane des marchandises résulte du § 1 de l’article 70 du CDU. De plus, selon la jurisprudence, la détermination de cette valeur « trouve son fondement dans les conditions auxquelles la vente concernée est effectuée, même si celles-ci diffèrent des usages commerciaux ou peuvent être considérées comme inhabituelles pour le type de contrat concerné » (CJCE, 4 févr. 1986, n° 65/85, Hauptzollamt Hamburg-Ericus c/ Van Houten International, point 13) et, pour apprécier si la valeur en douane des marchandises importées reflète la valeur économique réelle de celles-ci, il convient de prendre en compte la situation juridique concrète des parties au contrat de vente (CJUE, 15 juill. 2010, n° C-354/09, Gaston Schul BV c/ Staatssecretaris van Financiën, point 38). Aussi, ne pas tenir compte des conditions de vente dans le cadre de la détermination de la valeur en douane serait contraire à l’article 70 précité et « aboutirait en outre à un résultat ne permettant pas de refléter la valeur économique réelle desdites marchandises ».
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 370-48, et dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1462. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de ces ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
  
 
 
Source : Actualités du droit